La fois où j’ai été « violé »…

certain“I went on a date with Aziz Ansari. It turned into the worst night of my life”

Lorsque j’ai lu le témoignage de cette jeune femme affirmant avoir vécu « la pire nuit de sa vie », je me suis dit que moi aussi #metoo, je devais exprimer ma souffrance sur cette fameuse nuit où, somme toute… j’ai été violé.

C’est arrivé il y a quelques années, par un soir de septembre encore tiède, après une rupture amoureuse. J’étais triste et je me suis laissé séduire par Isabelle, Sophie ou Nathalie, je ne sais plus. J’ai essayé d’oublier son nom rapidement pour ne pas avoir à revivre mon terrible cauchemar.

Nous nous sommes échangé de nombreux messages sur un site de rencontre, puis par courriel. Quelques photos supplémentaires plus tard, je ne pouvais nier mon attirance pour cette charmante maman fin trentaine. Je me souviens que nos échanges étaient ludiques. Cela m’a beaucoup plu.

Je lui propose tout de même un rendez-vous en terrain neutre, malgré des échanges de messages sulfureux annonçant une suite plutôt torride. Pour mon plus grand plaisir, elle accepte. Elle propose chez elle. Surpris, j’accepte aussi. Le soir venu, je me fais tout beau tout propre et je choisis même mes plus beaux sous-vêtements, qui sait?

Fébrile, je sonne. La porte s’ouvre. En la voyant, j’ai les yeux qui s’écarquillent. Au-dessus d’un petit short noir très, très court, ma « date » porte un petit chemisier noir transparent qui exposent ses petits seins blancs sans la moindre subtilité. Cette entrée en matière un peu directe me laisse présager que nous ne jouerons probablement pas aux cartes. Du moins, pas très longtemps. Nous passons au salon. Elle m’offre un verre, mais elle préfère ne pas boire. Elle bouge les doigts rapidement et ses propos sont un peu confus. Je la sens mal à l’aise.

C’est là que la première lumière rouge s’est allumée. Je ne m’écoute pas.

Pour la rassurer, je pose ma main sur sa cuisse. Elle comprend que c’est le signal de départ. Elle m’embrasse avec fougue. Tellement que j’ai l’impression qu’elle m’a fendu la lèvre avec ses dents.

Rapidement nous migrons vers sa chambre. Je la dénude et je passe un bref instant à la caresser avant de m’occuper de son sexe. Tout va si vite, trop vite. Son corps tremble, elle crie, puis se cabre en poussant une longue plainte rauque. Sans reprendre son souffle, elle me plaque sur le dos et s’empare de mon sexe qu’elle rudoie bien plus qu’elle ne le caresse. — Eh ! Les filles ! Le pénis d’un homme, c’est pas comme dans les films pornos, on ne branle pas ça comme si on récure une baignoire, c’est fragile ces petites bêtes-là — bref, elle me fait mal et je comprends rapidement que, contrairement à elle qui a eu droit à ma bouche pour jouir, je devrai me contenter d’un tirage de peau en règle comme préliminaire.

C’est là que la deuxième lumière s’est allumée. Je suis resté. Mon désir de plaire et de « bien paraître est plus fort ». 

Pendant qu’elle essaie de me circoncire une deuxième fois, je tente d’agripper mon pantalon afin d’en extraire un condom.

 

Au moment de saisir le petit sachet, elle agrippe mon sexe et le fait glisser en elle. Je suis complètement sidéré par son geste intempestif et autoritaire, mais également soulagé de ne plus avoir de douleurs. Ma « date » se déhanche vigoureusement sur mon membre qu’elle a avalé sans permission. Comme si c’était acquis que j’allais la pénétrer SANS condom et avec tous les risques. D’autant plus que j’ignore tout du passé sexuel de cette femme. Tout se bouscule dans ma tête. Je suis soudainement terrifié à l’idée de m’être fait piéger par, qui sait, une possible « junky » qui s’injecte? Je suis peut-être en train de contracter le SIDA. Je m’énerve. Je n’ai plus de plaisir du tout. Elle enfonce ses ongles sur ma poitrine en jouissant de nouveau. Dès lors, je n’ai qu’une idée en tête… me dégager et fuir.

Les lumières rouges s’allument partout dans ma tête… mais là, il est trop tard. Je suis traversé par des courants de chaleur. J’angoisse. Si c’est le cas, ma vie se termine ce soir.

Je profite de son état post-extase pour faire mine de jouir et me dégager d’elle tout en prenant soin de cacher mon érection.

Oui, les gars aussi peuvent faire semblant !

Tout ce que je veux, c’est partir d’ici, mais pas trop vite, car je sens cette femme fragile, voire un peu instable. Elle me fait peur. Je passe donc quelques minutes au lit avec elle, question de ne pas passer pour un salaud venu simplement pour la baiser. Même après l’accueil auquel j’avais eu droit…

Je me rhabille et je lui fais alors savoir le plus doucement possible qu’il n’y aura pas de suite, car je n’ai pas apprécié qu’elle me fasse pénétrer en elle sans condom. Je lui demande si elle a eu des relations non protégées avant moi. Elle se montre évasive. Rien pour me rassurer. Elle se met à pleurer, puis me demande de quitter en m’insultant, vociférant que nous sommes tous les mêmes. Je suis tiraillé entre la culpabilité de la voir dans cet état et mon angoisse d’avoir été infecté par je ne sais quelle saloperie.

elle a joui deux fois et n’a pas une seconde pris le temps de me donner du plaisir.

J’arrive enfin à la maison, je me sens sale. Je m’en veux. Je saute dans la douche pour me laver… que dis-je, pour me récurer, tellement je veux enlever toute trace d’elle et de ce qui vient de se passer.

Trois jours plus tard, je suis dans une clinique privée pour passer des tests, que j’ai repassé deux mois plus tard pour être certain de ne rien avoir choppé.

Si je me fie aux témoignages de Grace dans le magazine en ligne Babe.net, mais aussi à l’article de Mélodie Nelson dans Vice ( https://www.vice.com/fr_ca/article/a3n4np/jai-ete-agressee-par-un-chanteur-que-jadmirais ), tout aussi insensé, j’aurais pu twitter à propos de mon « viol » et publiquement me plaindre de comment elle m’a fait entrer en elle sans ma permission, elle a joui deux fois et n’a pas une seconde pris le temps de me donner du plaisir. Elle m’a même fait mal. Pas besoin d’être une personnalité, j’aurais pu prendre sa page Facebook et y décrire la « pire date de ma vie » en mettant #BalanceTaSalope à côté de son nom. Non ?

C’eut donné quoi ? Est-ce que je me serais senti mieux ? La réponse est évidente. Nul ne guérit par la vengeance.

Cette femme brusque et égocentrique m’a manqué de respect et m’a fait courir un risque que je n’étais pas prêt à prendre ce soir-là. Mais au-delà de son comportement hautement répréhensible, c’est MOI qui me suis manqué de respect. C’est moi qui ai fait passer mon besoin de plaire à tout prix devant ma propre intégrité.

Responsabilisation

À plusieurs reprises, j’ai fait fi des signaux d’alarme. J’ai eu l’occasion de partir et je suis resté. Pourquoi? Cette « mauvaise baise », car ce n’est que ça au fond et nous sommes très loin d’un viol, fut la dernière de quelques-unes que j’ai vécues tout au long de ma vie. La dernière parce qu’enfin, j’ai pris conscience que j’étais le seul et unique responsable de ce qui m’avait amené dans les bras de cette fille que je sentais toxique avant même qu’elle m’embrasse.

Je vaux plus que cela. D’ailleurs, vous vous doutez bien que je n’ai pas été « violé » au sens propre du terme, mais en ces temps où un regard insistant est défini par certains groupes féministes comme une « violence sexuelle », la confusion des termes règne. Violent et sexe pour décrire un regard qui nous offense? Certaines ont la peau très sensible. Sachez que je ne me sens ni victime ni revendicateur d’un semblant d’une ombre de #metoo, sinon, que #moiaussi j’aurais dû m’écouter.

En lisant mon témoignage dont je vous jure que chaque ligne est véridique, vous avez pu ressentir un malaise. C’est probablement le même que j’ai ressenti en lisant celui de Léa Clermont-Dion, me disant, mais en quoi ça me regarde? Pourquoi ce besoin d’exposer sa fragilité, sa blessure sur Facebook? Pour guérir? Pour se venger? Les deux?

Je vous raconte ma mésaventure pour expliquer que cette prise de conscience va au-delà des sexes. Je suis certain que plein de femmes et d’hommes se reconnaîtront à travers ce récit typique d’une rencontre qui tourne au vinaigre comme nous en avons tous vécu. Bizarrement, celles-ci surviennent souvent lorsque nous sommes vulnérables, que l’on abaisse nos critères de sélection ET de protection.

Désigner des coupables pour se dédouaner

C’est également avec ce genre de témoignage que les dérives du #metoo apparaissent au grand jour. Nous nous éloignons de la bonne intention en déviant vers le soulagement collectif d’une responsabilité trop difficile à porter. Avec le cas de Aziz Ansari, nous sommes à des milliers de kilomètres des abus de pouvoir et des viols des Rozon et Weinstein. Nous sommes dans le rejet pur et simple sur les autres de notre propre incapacité à prendre des décisions qui vont dans notre intérêt. Pire : cette déresponsabilisation autorise certaines personnes à s’autoproclamer victimes et à chercher le réconfort du public pour guérir cette « atroce blessure », sous-entendu, dans certains cas, d’un simple affront. « Ce salaud ne m’a pas comblée, je ME sens abusée, je le dénonce ». Et puisque le dire aux copines ne suffit plus, certaines femmes utilisent le véhicule #metoo pour le faire savoir au monde entier. Ces femmes, et les médias qui s’en font les porte-voix, sont une nuisance pour ce mouvement et les trop nombreuses réelles victimes d’abus physiques, sexuels et psychologiques qui l’ont courageusement enclenché.

La justice criminelle, aussi imparfaite soit-elle, a été mise en place pour départager le sérieux du frivole en matière d’accusation. Il ne s’agit pas de se prétendre victime d’un supposé porc pour que ce dernier ait automatiquement commis l’irréparable. Ainsi, malgré le fait qu’Alice Paquet se perçoive encore et toujours comme une victime, policiers et avocats ont conclu froidement qu’aucun crime n’avait été commis. Fin de l’épisode.

Ansari n’a pas commis de crime, il ne sera jamais poursuivi et Grace le sait très bien.  Elle peut juste lui en vouloir de ne pas avoir suffisamment décodé son désir à elle… Est-ce que cela justifie de le crucifier publiquement avec toutes les conséquences prévisibles sur sa carrière en donnant publiquement des détails sordides sur cette première « date » de marde?

Après avoir judicieusement attendu qu’il ait gagné un Golden Globe….

Est-ce un aspect révélateur de cette nouvelle génération qui ne peut supporter d’être offensée et pour qui la justice ne suffit plus? Faut-il, pour ces jeunes, répondre avec violence et « BalancerSonPorc » pour que celui-ci comprenne bien qu’il n’a pas été convenable? Ainsi se soulagent-elles désormais de cette terrible épreuve? Jusqu’à ce qu’elles choisissent un autre porc à balancer, et ce tout aussi longtemps que ce sera la faute du porc.

En l’absence d’introspection, du porc à balancer il y aura, et aura, et aura ! Entrer en relation est une prise de risque, on accepte le risque que cela puisse être juste nul.

Grandissez un peu et prenez vos responsabilités bon Dieu !

Heureusement, certaines voix commencent à s’élever contre ces vendettas personnelles.  (cliquez sur le lien vers le NYTimes) 

 

 

1 a commenté sur “La fois où j’ai été « violé »…”

  1. Très bon article. Le cas de ce monsieur est représentatif du mouvement « me too » et de ses dérives. Pas une semaine ne se passe sans une nouvelle dénonciation. Les « victimes présumées » n’ont rien à craindre puisque personne ne met en doute leurs paroles. A quand des procès pour diffamation ? Quand une personne ose dire que trop c’est trop et leur demande de nuancer leurs propos c’est une meute d’enragée qui se jette sur elle comme pour Matt Damon ou même Meryl Streep. Si il y a des comportements inappropriés chez les hommes il y en a aussi chez les femmes et cet article le démontre clairement. Continuez votre beau travail de réflexion. Merci.

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