On ne peut pas être contre la vertu, et certaines idées sont franchement intéressantes, bien que d’autres peuvent sembler un peu trop idéalistes. Mais il y a clairement du bon.
Ce qui m’a agacée, toutefois, c’est que rien, absolument rien n’est dit sur la famille dans ce film, alors que c’est probablement par là que passeraient les changements les plus importants que nous pourrions faire pour ralentir notre course folle en direction du précipice environnemental.
Mais qu’avons-nous donc à tant résister à toute remise en question de notre idéalisation du marché du travail? Nous sommes donc convaincus que c’est par le marché du travail, et uniquement par lui, que l’on peut s’épanouir et être utile à la société? Dans ce film, qui se veut pourtant une critique de notre système capitaliste, on ne dit rien sur notre modèle de fonctionnement familial où les deux parents travaillent à temps plein, ce qui, pour l’environnement, est lourd de conséquences.
Ces « rêveurs » ne rêvent pas plus loin que ça : le travail rémunéré serait la seule façon envisageable d’assurer respect, sécurité financière, liberté, reconnaissance sociale et accomplissement personnel.
Ce film documentaire, plein de bonnes intentions, nous présente toutes sortes de solutions, parfois limite farfelues, mais que l’on gobe tout de même, car le message ultime est que quand on veut, on peut ; et lorsqu’on s’y met, en se serrant les coudes et en s’entraidant, on peut faire des miracles pour changer le monde. On peut tout changer, y compris transformer le moindre bout de gazon en potager et se libérer de notre dépendance aux énergies fossiles. On peut fabriquer une monnaie parallèle et réformer la démocratie, rien de moins. Mais il semble toujours impossible de remettre en question notre obsession du marché du travail.
Pourtant, ramenez un parent sur deux à la maison… et imaginez un instant tout ce qu’on pourrait accomplir pour sauver notre planète. Avec un peu d’imagination et de bonne volonté.
Vous voulez diminuer substantiellement notre dépendance aux énergies fossiles? Diminuer notre consommation de biens? Vous voulez qu’on voyage moins, qu’on dépense moins, qu’on gaspille moins, qu’on jette moins, qu’on se déplace moins, qu’on vive plus sainement? Alors voici mon chapitre 6 du film « Demain » : trouvons toutes les façons envisageables d’aider les familles à vivre avec un seul salaire, pour qu’un des deux parents puisse rester à la maison pour élever les enfants et s’occuper du foyer. Encourageons plus de parents à faire ce choix et la planète en respirera nettement mieux. Rapidement.
Il faudra bien finir par se l’admettre : l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, bien qu’ayant eu de nombreux très bons côtés (dont la reconnaissance des aptitudes intellectuelles, physiques, organisationnelles et créatrices des femmes, Dieu merci!), a cependant été assez terrible pour l’environnement. Car depuis que les femmes ont investi le marché du travail, le pouvoir d’achat des familles et des individus a beaucoup augmenté. Et depuis, la consommation est devenue surconsommation.
Et notre dépendance au pétrole a monté en flèche.
Quand vous serez pris dans un embouteillage la prochaine fois, regardez autour de vous, et imaginez un instant que, par magie, la moitié des parents en route pour le travail n’y sont plus. Ils sont restés à la maison. Ça fait pas mal de voitures en moins sur la route, non? Davantage de parents à la maison se traduirait par moins de véhicules en déplacements quotidiens, donc nettement moins de circulation.
Les congestions routières, avec toutes ces voitures au ralenti sur de longues distances pendant de longues périodes, jour après jour, tout le monde le sait: c’est un scandale en termes de quantité de gaz d’échappement. De plus, avec un seul parent au travail, combien de familles pourraient déménager pour se rapprocher du lieu de travail? Ça aussi, ça aide à réduire significativement sa consommation d’essence.
Et ce n’est pas tout : un parent à la maison peut faire beaucoup de choses positives pour l’environnement, tout en faisant économiser de l’argent à sa famille. Les exemples ne manquent pas : repriser, coudre, faire des rénos, tricoter, réparer ce qui brise, faire un potager, faire des conserves, changer ses pneus, faire ses changements d’huile, étendre le linge sur la corde, récupérer et réutiliser, concocter des produits de nettoyage doux pour l’environnement, utiliser des couches de coton, partager et coopérer avec les autres parents, cuisiner (beaucoup moins de lunchs à préparer, donc beaucoup moins d’emballages au dépotoir), participer à des projets communautaires, faire du covoiturage, des échanges de services… et réduire de beaucoup la consommation! Car qu’est-ce qui nous pousse tous à consommer autant, à nous gâter, à nous faire plaisir, à nous divertir, à nous faire des cadeaux, à acheter un paquet de trucs, si ce n’est une forme d’insatisfaction chronique, due au stress élevé généré par notre mode de vie? Et combien de cadeaux fait-on à nos enfants pour nous racheter un peu de nos absences, de nos préoccupations et de la course folle qu’on leur impose quotidiennement? Quand on a un quotidien détendu et ralenti, dans lequel le partage des tâches n’est presque jamais une source de tensions dans le couple, dans lequel on a rarement l’impression de manquer de temps ou de ne pas profiter assez de nos proches, dans ce contexte-là, nos besoins de compensation matérielle sont moins intenses. Moins nombreux.
Combien de centaines de milliers, voire de millions d’emplois a-t-il fallu créer, ces dernières décennies, pour satisfaire les besoins d’émancipation professionnelle de toutes ces femmes qui sont entrées sur le marché du travail? Ne nous leurrons pas : pour créer de l’emploi, il a fallu créer des besoins. Beaucoup de besoins. Et la satisfaction de ces « besoins » artificiels, c’est encore et toujours l’environnement qui en paie le prix. Car il n’y a pas de comparaison possible entre ce que nous consommons aujourd’hui et ce dont nous avions besoin, autrefois, pour vivre… à l’époque où les mères étaient majoritaires à rester à la maison.
Remercions la modernité, car grâce à elle, il est maintenant tout à fait envisageable de voir des pères occuper ce rôle essentiel. Mais peu importe lequel des deux parents ce sera, le principe qui devrait nous guider dorénavant est que les familles dont les deux parents travaillent à l’extérieur du foyer soient l’exception, non pas la règle.
Vous voulez préparer un « demain » respirable? Il ne serait pas mauvais d’envisager un peu d’ « hier ». Un peu plus d’hier… pour un demain respirable. Mais pour cela, il faudrait qu’on ne répète pas les erreurs du passé, c’est-à-dire le peu de respect et de reconnaissance manifesté jadis par la société pour le travail essentiel du parent au foyer. Reconnaissons la noblesse de ces tâches ; reconnaissons aussi tout ce qu’implique comme efforts et difficultés le fait d’élever sa famille et d’entretenir son foyer ; reconnaissons le rôle essentiel du parent au foyer pour favoriser la santé physique et mentale de tous les membres de la famille, ainsi que sa contribution sociale.
Redorons le blason des tâches domestiques, et, plus encore, celui de l’éducation des enfants.