Mon néologisme : les intersectionneaux
Mon opposition farouche au féminisme intersectionnel, et l’impertinence que je me permets souvent quand j’en parle sur les réseaux sociaux, donnent à certains l’impression que je suis antiféministe, voire sexiste ou misogyne. J’ai pourtant toujours été à fond pour l’égalité. Cependant, le caractère irrationnel et émotif des discours des féministes intersectionnelles a tout pour m’éloigner. Les intersectionnelles m’agressent avec leur victimisation, avec leurs accusations constantes, avec leur façon d’agresser verbalement les gens et de pleurer à l’injustice (et au patriarcat) quand elles sont mal reçues, alors qu’avec l’attitude qu’elles ont, elles devraient s’y attendre.
Mes expériences avec les intersectionnelles se sont pratiquement toujours déroulées de la même façon (que j’échange avec elles ou que je les écoute passivement). Quand on leur demandait de spécifier ce que signifiaient certains mots qu’elles utilisaient ou certains principes qu’elles évoquaient, ou encore d’apporter des preuves des affirmations qu’elles avançaient, ou encore qu’on questionnait leurs affirmations, on avait droit à des réponses qui se situaient toujours dans l’une de ces catégories :
« Ben là, c’est évident ! »
« Informe-toi ! J’ai fait mes devoirs, je ferai pas les tiens à ta place ! »
« Tu appuies le patriarcat ! (Et cela vient souvent avec : « Tu cherches à assurer tes privilèges d’homme/de Blanc(he)/de cis/autre catégorie de soi-disant privilégiés ! ») »
« Ça sert à rien de discuter avec quelqu’un de con/bouché comme toi. »
Dans tous les cas, elles avaient l’habitude de déformer les propos de quiconque défendait une position différente des leurs ou remettait en question leurs positions.
Ces derniers jours, sur Facebook, j’ai eu affaire à ce que j’appellerai affectueusement des intersectionneaux : un équivalent masculiniste des féministes intersectionnelles. Il y a les oiseaux et les oiselles, les moineaux et les moinelles, les intersectionnaux et les intersectionnelles. Un ami à moi a sorti l’appellation « Judith Lussier avec un pénis », qui m’a fait pouffer de rire, aussi je ne résiste pas à vous la mentionner…mais après tout, évitons de cibler une seule personne, surtout que la pauvre Judith ne mérite pas de porter le poids pour toutes ses semblables.
À écouter ces intersectionneaux, on vivrait désormais dans un matriarcat au Québec, ce qui est franchement une enflure verbale. Et pourtant, à les lire, ce matriarcat relèverait de l’évidence au point que seules des féministes enragées ou des gens de mauvaise foi pourraient le questionner. Autant les féministes qui prétendent que le patriarcat sévit toujours autant au Québec, ou pire, celles qui parlent de blantriarcat en mettant tout sur la faute de l’Occident, alors que ce dernier est sans doute, de toutes les grandes civilisations, celle où le patriarcat a le plus reculé, tiennent un discours ridicule, autant ceux qui prétendent que nous vivons dans un matriarcat leur feraient très bien concurrence dans une compétition de ridicule. Les intersectionneaux se mesurent bel et bien à leur équivalent féminin…les masculinistes irrationnels et émotifs (qu’ils acceptent cette appellation ou pas) face aux féministes irrationnelles et émotives.
Ce que je reproche aux intersectionneaux
Tout a commencé avec une chronique de Denise Bombardier, une chronique qui ne présente rien d’autre que des accusations à la fois impersonnelles et sans faits pour les étayer (ce qui m’a franchement déçue de la part de Bombardier, qui m’avait habituée à mieux) :
« C’est une société qui tend à infantiliser les hommes »
« Dans notre matriarcat, la mère est tour à tour castratrice et complaisante. »
« L’école apprend aussi aux garçons à être des filles. C’est sans doute pourquoi ils finissent trop souvent par devenir si enragés et si perturbés. »
Et j’en passe…comme tous ceux qui prétendent que le Québec est un matriarcat, Bombardier ne fait que dans le sentiment, la victimisation…aussi pleurnicharde qu’une féministe intersectionnelle, même si elle va dans le sens contraire ! Et ceux que j’ai vus applaudir à son texte en confirmant que le Québec est un matriarcat la suivent très bien. Tout comme les intersectionnelles, ils parlent comme si leurs affirmations tenaient de l’évidence et n’avaient pas besoin d’être étayées par des faits. Quand ils daignent apporter des «preuves», il s’agit en fait d’indices largement insuffisants, glanés ici et là dans leurs expériences personnelles ou dans des chroniques et billets de blogues. Ils se mettent en colère quand on fait remarquer que leurs arguments ne sont pas suffisants pour prouver leur conclusion.
Attention, affirmer que le Québec est un matriarcat est très différent de dire que les garçons et les hommes vivent des difficultés spécifiques à leur sexe et que la société doit y remédier. Je fais la différence entre les féministes raisonnables – et du féminisme, on en a encore besoin, à une époque où le multiculturalisme contribue à gruger les acquis des femmes, où on s’apprête à légaliser le commerce de mères porteuses au Canada, et où d’ici là, des Canadiens profitent de l’exploitation de mères porteuses d’autres pays, et je pourrais continuer mais je ne veux pas trop m’éloigner de mon sujet principal – et les féministes qui assimilent tous les hommes à Marc Lépine, qui prétendent que le Québec est une culture du viol (une autre enflure verbale), qui n’acceptent aucune remise en question de leurs positions, qui blâment constamment les hommes. Tout comme je fais une différence entre les féministes raisonnables qui ont des revendications justifiées et celles qui sont émotives, irrationnelles et blâment le Patriarcat comme si c’était une sorte d’équivalent de Satan dans la religion chrétienne, je fais aussi une différence entre ceux qui mettent de l’avant des revendications légitimes pour l’épanouissement des garçons québécois – parce que c’est un fait bien établi que ces derniers sont nombreux à avoir des difficultés à l’école, et comme société, on a le devoir de réagir à cela – et ceux qui blâment rageusement les féministes (parce que là, ce seraient elles, l’équivalent de Satan).
À quoi bon blâmer le féminisme ?
Qu’est-ce qui prouve que les difficultés des garçons à l’école sont à cause des féministes ? Parce que c’est ce qu’affirment Bombardier et plusieurs autres. Les féministes ont obtenu que les femmes puissent voter, être propriétaires, aller à l’université, avoir un certain contrôle sur leur corps, notamment quant à la reproduction et à leur vie sexuelle, avoir accès à des emplois pour lesquels il n’y a aucune différence entre les sexes qui justifie d’en faire des emplois masculins. Aujourd’hui, elles continuent de réagir à des formes d’oppressions et à des injustices envers les femmes qui existent bel et bien ; j’en ai nommé deux précédemment, on pourrait aussi mentionner notamment les mariages forcés, l’exploitation sexuelle, l’excision, l’endoctrinement religieux qui met dans la tête des enfants que la femme est inférieure (si les trois premières existent plutôt dans d’autres pays – ce qui n’empêche pas que les féministes d’ici puissent y réagir – la dernière existe bel et bien au Québec).
Ce serait à cause de ces gains des femmes par le passé et de ces dénonciations qui continuent aujourd’hui que les garçons ont de la misère à l’école ? Permettez-moi d’en douter ! À moins que les garçons aient absolument besoin que les femmes soient en position d’infériorité pour pouvoir s’épanouir ? Permettez-moi aussi d’en douter. Mais ce n’est probablement pas non plus ce que veulent dire ceux qui nourrissent la conviction que les problèmes des garçons sont dus au féminisme…mais alors quel est leur raisonnement ? J’ai essayé de le comprendre, mais je n’ai eu droit qu’à des réactions émotives, comme les fois où j’ai essayé de discuter avec des intersectionnelles.
D’ailleurs, il a suffi que je rédige une réplique qui invitait à documenter les problèmes des garçons et à proposer des solutions, plutôt que de faire dans l’émotion et l’enflure verbale et que de blâmer les féministes, pour susciter de la colère. Une telle invitation implique pourtant que, loin de nier la possibilité que les garçons aient des problèmes que la société doit prendre en compte, je l’admets parfaitement et j’encourage à faire quelque chose de concret.
Il est également à noter qu’il y a levée de boucliers quand les féministes défendent leur mouvement en rappelant ce que je rappelais précédemment : on a dû lutter pour que les femmes puissent voter, être propriétaires, avoir un statut égal à celui de l’homme dans la famille, accéder à l’université, accéder à toute une variété de professions, et ces gains des femmes sont tout récents. Et pourtant, tout cela, ce sont des faits. « Ne me parlez pas de faits historiques, je préfère me fier à mes impressions personnelles et mes impressions personnelles disent que je vis dans un matriarcat. », voilà comment sonnent à mes oreilles ceux que j’ai vus applaudir au texte de Bombardier.
Sans parler de la grossièreté de certains d’entre eux quant à leurs choix de termes pour parler des féministes. Mais ils n’acceptent surtout pas qu’on leur réponde sur le même ton. C’est pour ça que je compare les discours de ceux que j’appelle les intersectionneaux à ceux des intersectionnelles : dans les deux cas, il semble y avoir chez ceux qui les tiennent une sorte de conviction profonde qu’ils ont la légitimité d’être impolis et insultants avec les gens, ils accusent les autres de faire ce que c’est surtout eux-mêmes qui font. Quand ils se font répondre sur le même ton que celui qu’ils emploient avec les autres, ils crient au patriarcat pour les secondes, et au matriarcat pour les premiers.
Qu’est-ce qui a vraiment dérangé les féministes dans tout ça ?
Selon les intersectionneaux, les féministes ont protesté parce qu’on a parlé des problèmes des garçons à l’école. Je trouve ça un peu court : est-ce vraiment parce qu’on a parlé des problèmes des garçons à l’école que les féministes ont réagi et se sont mises à rappeler combien l’égalité en droits est récente et combien les femmes avaient jusqu’à il y a assez peu de temps un statut social inférieur ? Ne serait-ce pas plutôt parce que certains partent du constat de ces problèmes, pour en tirer une conclusion aussi ridicule qu’insultante, celle selon laquelle on vit maintenant dans un matriarcat, voire même que le Québec a toujours été un matriarcat ? Parce qu’en effet, il y a un grand pas entre les deux.
Ne serait-ce pas aussi parce qu’en plus de constater les problèmes des garçons et de demander qu’on cherche des solutions, on a prétendu que tout était la faute des féministes ? Que les féministes réagissent mal parce qu’on souhaite que les garçons puissent réussir à l’école aurait certes de quoi choquer ; qu’elles réagissent mal parce qu’on nie la légitimité de leur mouvement alors que les faits historiques ET actuels montrent très bien que l’émancipation des femmes est récente ici et loin d’être atteinte ailleurs, et parce qu’on les blâme pour des problèmes de manière gratuite est au contraire parfaitement compréhensible.
Pouvons-nous revenir sur terre ?
En conclusion, j’ai vu autre chose au passage : certains ont fait le lien entre le soi-disant matriarcat et un autre concept douteux : semble-t-il qu’il y aurait un impérialisme LGBTQ… Quiconque me lit sait très bien que personne n’est plus critique que moi de la théorie (sic) du genre. Je suis la première à lutter contre ces nouvelles idées selon lesquelles on serait femme ou homme ou ni l’un ni l’autre en fonction d’un concept obscur nommé l’identité de genre, et que tout le monde a la responsabilité d’adapter son vocabulaire et de piler sur sa sensibilité pour ne pas heurter celle d’une minorité de personnes, qui voudraient faire admettre à tout le monde que le caractère sexué de l’espèce humaine n’est pas une réalité objective. Je me joins à mes consoeurs féministes pour m’opposer à certaines revendications des personnes trans ou autoproclamées non binaires.
Par contre, quand on est rendu à prétendre que les LGBTQ font la loi, on tombe encore une fois dans l’enflure verbale ! L’homme blanc hétérosexuel et masculin serait supposément la victime par excellence dans notre société…aussi vrai qu’on vit dans une culture du viol au Québec ! Certains parlent de propagande gaie ! Les homosexuels existent et ils font ce qu’ils veulent entre eux. Qu’est-ce qu’ils imposent aux autres ? Si vous voulez me convaincre qu’ils imposent quelque chose aux autres, il faudrait préciser quoi et le montrer. Pour ce qui est des personnes trans et autoproclamées non binaires, bien que je sois opposée à certaines de leurs revendications, sincèrement, regardez autour de vous : ont-elles vraiment pris le contrôle de l’espace public ? Combien de personnes trans ou autoproclamées non binaires rencontrez-vous par jour ? Combien y en a-t-il qui occupent une place influente ? On peut vouloir mettre des limites à leurs revendications, mais il ne faudrait pas leur inventer un pouvoir qu’elles n’ont pas.
On dirait qu’il n’y a plus moyen d’avoir un débat sain, en gardant la tête assez froide pour garder le sens de la réalité… mais peut-être que c’est comme ça à toutes les époques ?
Merci beaucoup! Bisous