Narcissique? Ce livre m’a plutôt révélé un libre-penseur réellement affranchi des dogmes. De quoi confondre ces dames du Devoir et de La Presse.
Une vive polémique entoure ce livre… qui n’est pas véritablement de Maxime Olivier Moutier. Il s’agit plutôt d’une série d’entretiens avec une femme identifiée sous le pseudonyme de Paula Singer, qui serait, selon certains, une pure invention de Moutier. Bref un canular. Ce que Moutier réfute.
Qui dit vrai? On s’en fout : le résultat est franchement réjouissant.
Dans L’Inextinguible, Maxime Olivier Moutier parle de son enfance au sein d’une famille dysfonctionnelle, de l’intimidation dont il a été victime à l’école, d’une belle-mère qui ne l’aimait pas, de son « sauvetage » dans une école catholique, de famille, de couple, de psychanalyse, de cuisine, d’enfants… et bien sûr de féminisme, propos central de la neuvième rencontre entre Moutier et Paula Singer.
Un puissant antidote à la pensée unique.
Relevons quelques extraits et commentons-les au fur et à mesure.
« Il y a beaucoup d’exagération chez certaines féministes d’aujourd’hui, et beaucoup de malhonnêteté aussi. Elles ne veulent voir que ce qu’elles veulent bien voir et s’autorisent à faire une relecture de l’histoire de l’humanité à leur manière. Leur travail est lourdement orienté. »
On devine aisément la réaction de la journaliste du Devoir dès le début de ce chapitre… orientant sa lecture en prévision de l’article qu’elle écrira pour son fan club lourdement orienté.
Malaise perpétuel
« Je ne crois pas qu’aujourd’hui en Occident, les femmes soient encore soumises à la domination masculine. Mais il y en aura toujours pour le penser. Cette idée voulant que les hommes aient quelque chose que les femmes n’ont pas ne cessera jamais d’exister dans la tête de certaines personnes. […] C’est une question de lecture. Même lorsque toutes les causes auront fini par être gagnées, et que les principales revendications féministes auront été entendues et réalisées, leur malaise ne cessera pas de les tracasser. »
On entend souvent cette phrase dans la bouche des féministes jusqu’au-boutistes : Tant qu’une seule femme sera victime de (iniquité, injustice, harcèlement, agression, viol), la lutte devra continuer. Derrière l’apparente noblesse de cet élan guerrier, se cache en fait un aveuglement qu’on peut traduire ainsi : puisqu’il y aura toujours des femmes victimes de quelque chose, le féminisme devra lutter jusqu’à la fin des temps. Amen. Ainsi soient-elles.
Leur est-il jamais venu à l’esprit qu’il y aura toujours des hommes victimes d’injustices aussi?
Patriarcat obsessionnel
« Dire que les femmes sont encore à la remorque de la domination masculine, du patriarcat, ou qu’elles sont lésées par rapport à leur sexe me parait relever du délire. »
Après la Seconde Guerre mondiale, et plus encore à partir des années 70, le concept de patriarcat (ou autorité assumée par les hommes) a été instrumentalisé par le mouvement féministe et présenté comme un système social d’oppression des femmes, afin d’imposer dans l’opinion publique cette idée biaisée – mais pas entièrement fausse – selon laquelle les rapports hommes/femmes, avant la révolution sexuelle, étaient marqués par une domination systémique du féminin par le masculin.
Une domination, évidemment, oppressante.
Ça se discute.
Mais aujourd’hui, en 2018?
Pour ces féministes-là, l’Occident serait encore aux prises avec une culture de l’oppression des femmes. Voilà qui est un peu court, dirions-nous euphémiquement dans le même esprit que Maxime Olivier Moutier.
« Il y a de plus en plus d’endroits où la présence des femmes est dominante. Cela ne me révolte pas, ni ne me frustre. Si la réalité dans laquelle on vit peut parfois être frustrante, il ne faut pas oublier qu’elle l’est pour tout le monde. Elle ne l’est pas davantage pour les femmes que pour les hommes. Je suis d’accord pour admettre que les femmes en chient. Mais tout le monde en chie. »
À en croire le discours dominant, les femmes auraient le monopole de la souffrance et des injustices ; et gare à celui (ou celle) qui chercherait à montrer la souffrance masculine, surtout si celle-ci découle de ce féminisme guerrier qui vocifère son évangile partout en Occident. À titre d’exemple, rappelons le barrage idéologique et même physique qu’a suscité le film The Red Pill, qui braquait le projecteur sur la souffrance d’hommes floués par des femmes.
Dans certaines villes, la projection a dû être annulée.
Chercher les injustices du matin au soir
« Lorsque certaines féministes associent la relation sexuelle à un viol, je crois que l’on a affaire à du délire, et non pas à une société patriarcale qui refuse d’avancer ou qui s’accroche à d’anciennes habitudes. Le féminisme est une idéologie qui vient avec sa propagande. Qui est toujours la même. C’est-à-dire que les femmes sont des victimes faibles et fragiles, tandis que les hommes sont violents, violeurs, abuseurs. En résumé, des bêtes idiotes. Je suis désolé, mais tout ce tableau relève du fantasme. […] Ce que je dénonce, ou à tout le moins que je me permettrais d’oser critiquer, c’est qu’il n’y a pour le moment dans notre société qu’une seule vision qui semble l’emporter. La propagande féministe ne permet aucune autre version des faits. Je ne suis pas contre le féminisme dans son essence. Sur mon fil Facebook, j’ai dû faire le choix de cesser de suivre certaines féministes militantes, parce que je n’en pouvais plus de les voir retourner toutes les situations du monde selon leur vision. Elles se réveillent le matin, et elles cherchent à trouver quelque part autour d’elles ce qui est injuste pour les femmes. Et elles le trouvent. »
Dans une société libre comme la nôtre, où l’égalité en droits est acquise depuis plusieurs décennies, cette recherche incessante d’injustices s’apparente davantage à une névrose qu’à une lutte, ajouterions-nous aux propos de l’auteur-psychanalyste.
Révisionnisme
Passons maintenant au révisionnisme historique que dénonce Maxime Olivier Moutier, alors qu’il explique à son interlocutrice que jadis, avant l’avènement de la société individualiste de consommation…
« Les hommes aussi étaient obligés de faire des enfants. Et de faire ensuite ce qu’il fallait pour les nourrir. C’était une autre époque, où tous étaient obligés de vivre pour la famille et les générations futures. C’était ce que la société attendait de nous. C’était une époque où l’on ne pouvait pas ne penser qu’à soi. Ni à sa carrière, ni à sa réalisation personnelle. Il faut se remettre dans ce contexte. Et non pas faire une lecture, avec nos lunettes de maintenant, du monde d’hier. […] Ce n’était pas si mal d’avoir pour mission d’élever des enfants, vous savez. C’était une tâche très importante. Sans doute plus valorisante que d’aller couper du bois dans le Grand Nord. Les hommes aussi étaient dominés. Ils travaillaient toute la journée aux champs et n’avaient pas le choix. Les femmes, seules à la maison, pouvaient alors dire ce qu’elles voulaient à leurs enfants et les élever comme elles le voulaient. C’étaient elles, au fond, qui avaient le plein contrôle sur le devenir de la génération future. C’était un pouvoir extraordinaire. Et bien plus noble qu’il n’y parait. Il est délirant de penser qu’il s’agissait d’une tâche médiocre. »
L’éducation des enfants et le pouvoir des mères dans la sphère domestique : tel est le grand impensé du néoféminisme – qui conçoit le pouvoir uniquement en fonction de l’argent et des plafonds de verres à briser sur le marché du travail. On comprend aisément que ces obsédées du pouvoir hors de la maison soient si peu préoccupées par l’éducation de leurs propres enfants à la maison.
Mépris de l’héritage religieux
« De toutes les religions, la catholique est probablement la plus féministe. […] Ce n’est pas parce que les femmes ne peuvent accéder au statut de prêtre ou de cardinal, ni parce que le pape ne fait pas l’apologie du port du condom, que cela veut dire que la religion catholique est contre les femmes. Les femmes ont toujours eu une très grande place au sein de l’église. Que le Québec fut un jour fortement catholique explique peut-être que le féminisme, ici, soit aujourd’hui parfaitement assumé dans notre culture. […] Toutes ces femmes n’étaient pas des connes. Certaines occupaient des postes de pouvoir extrêmement importants. Il faut le reconnaître. Vos grands-mères non plus n’étaient pas des connes. Ce serait méprisant de les voir ainsi. […] Les collèges, les couvents, les hôpitaux, toutes ces institutions étaient dirigées par des femmes. Ce sont même la plupart du temps des femmes qui les ont fondées. Une mère supérieure n’était pas une personne docile et soumise, croyez-moi. Elle décidait de beaucoup de choses. Ce n’est pas parce qu’une femme ne peut toujours pas devenir pape aujourd’hui que cela veut dire que la religion catholique n’a jamais fait de place aux femmes. […] Le Nouveau Testament est rempli de femmes importantes. De toute façon, nous ne connaissons plus aujourd’hui cette religion. Nous nous révoltons contre une religion que nous ne connaissons pas. »
Femmes inspirantes… et catholiques
Depuis plusieurs années, nos médias sont constamment en quête de femmes inspirantes à présenter aux futures générations d’amazones. Vous l’avez sans doute remarqué : l’adjectif inspirante revient systématiquement lorsqu’il est question de femmes s’illustrant dans divers domaines liés au travail.
Or, une relecture attentive de notre histoire donne raison à Maxime Olivier Moutier quant au Québec de jadis, où une part extrêmement importante du pouvoir social était assumé par des femmes : presque tous les couvents, toutes les écoles pour filles et tous les hôpitaux furent, depuis la Nouvelle-France jusqu’à la Révolution tranquille, dirigés par des femmes en totalité ou en partie. Des religieuses, essentiellement.
Santé et éducation – les pivots sociaux : largement dirigées par des femmes.
Ce n’est pas rien. En fait, c’est énorme.
On continue néanmoins de présenter le monde de jadis comme ayant été dirigé exclusivement par des hommes, d’où cette fixation sur le patriarcat.
En voulez-vous des exemples de femmes de tête qui ont inspiré des générations de femmes d’ici, longtemps avant la « libération » de la femme?
La liste est aussi longue que méconnue. De Jeanne Mance à Marie Gérin-Lajoie, j’ai répertorié une vingtaine de grands noms dont la plupart ont été oubliés. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Des fondatrices d’hôpitaux, de couvents, d’écoles, de communautés religieuses : autant de femmes que l’on dirait inspirantes aujourd’hui si elles n’avaient pas eu la mauvaise idée de se distinguer dans l’arène catholique, que l’on nous a appris à mépriser ou à oublier.
Allons-y par ordre chronologique. (Prenez un grand respir.)
- Mère Marie de l’Incarnation née Marie Guyart (1599-1672) : fondatrice des Ursulines de Nouvelle-France.
- Jeanne Mance (1606-1673) : cofondatrice de Montréal, fondatrice de l’Hôtel-Dieu.
- Marguerite Bourgeoys (1620-1700) : fondatrice de la Congrégation Notre-Dame.
- Marie-Catherine de Saint-Augustin née Catherine de Longpré (1632-1668) : directrice de l’Hôtel-Dieu de Québec.
- Marguerite d’Youville née Marie-Marguerite de la Jammerais (1701-1771) : fondatrice des Sœurs de la Charité de Montréal (ou Sœurs Grises).
- Rosalie Cadron-Jetté (1794-1864) : fondatrice des Sœurs de la Miséricorde.
- Émilie Tavernier-Gamelin (1800-1851) : fondatrice des Sœurs de la Providence.
- Mère Marcelle Mallet (1805-1871) : fondatrice des Sœurs de la Charité de Québec.
- Marie-Josephte Fitzback (1806-1885) : fondatrice des Sœurs du Bon Pasteur.
- Mère Marie-Anne née Esther Blondin (1809-1890) : fondatrice des Sœurs de Ste-Anne.
- Mère Marie-Rose née Eulalie Durocher (1811-1849) : fondatrice des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie.
- Élisabeth Bruyère (1818-1876) : fondatrice des Sœurs Grises de Bytown (Ottawa).
- Mère Catherine-Aurélie-du-Précieux-Sang née Catherine-Aurélie Caouette (1833-1905) : fondatrice des Adoratrices du Précieux-Sang.
- Mère Marie-Léonie née Alodie-Virgnie Paradis (1840-1912) : fondatrice des Petites Sœurs de la Sainte-Famille.
- Mère Saint-Bernard née Virginie Fournier (1848-1918) : fondatrices des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours.
- Mère Marie de la Charité née Philomène Labrecque (1852-1920) : fondatrice des Dominicaines de l’Enfant-Jésus.
- Mère Marie de Sainte-Élisabeth née Marie Le Gallo (1857-1939) : fondatrices des Filles de Jésus au Canada.
- Mère Saint-Anne-Marie née Marie-Aveline Bengle (1861-1937) : pionnière de l’éducation supérieure pour les femmes, qualifiée de « féministe en robe noire ».
- Délia Tétreault (1865-1941) : fondatrice des Missionnaires de l’Immaculée-Conception.
- Mère Marie du Sacré-Cœur née Frédérica Giroux (1888-1968) : fondatrice des Sœurs Missionnaires du Christ-Roi.
- Marie Gérin-Lajoie (1890-1971) : fondatrice de l’Institut Notre-Dame du Bon Conseil.
- Marie Sainte-Cécile de Rome née Dina Bélanger (1897-1929) : musicienne (piano), concertiste à New York.
Outre ces nombreuses femmes inspirantes, dont la plupart ont dirigé des dizaines et même des centaines de personnes, combien y a-t-il eu de religieuses dans notre histoire qui ont occupé des postes de commande extrêmement importants? Directrices d’hôpitaux, directrices d’écoles, supérieures de communautés, responsables des finances et de la comptabilité, responsables des missions et des vocations, coordonnatrices, superviseures, chefs d’équipes, gestionnaires de projets, etc.
Sans oublier les innombrables infirmières et institutrices.
Tout cela se compte par dizaines de milliers, sans aucun doute. Ces femmes de tête ont eu un impact majeur sur le devenir la société canadienne-française. Elles occupaient le « marché du travail » de leur époque, en quelque sorte, et travaillaient dans une optique collectiviste – et non individualiste.
Je soupçonne que certaines journalistes féministes n’ont pas apprécié de se le faire rappeler par un homme, Maxime Olivier Moutier, dont le dernier livre est un incontournable.