Le slogan s’est répandu comme une traînée de poudre alors que nous entrions dans la crise. Il fallait se donner du courage et rassurer nos enfants. Compréhensible.
Aujourd’hui, nous constatons que cette crise est nettement plus grave que ce qu’on avait appréhendé. Le gouvernement chinois a menti sur le degré de virulence de la COVID-19. Les morts s’accumulent en Europe et maintenant aux États-Unis. Le bilan pour l’Occident se chiffrera sans doute dans les centaines de milliers. Davantage? Ce n’est pas exclu.
Jusqu’à tout récemment, on croyait que seules les personnes âgées étaient vraiment à risque. On se rend maintenant compte que des gens de tous âges meurent du coronavirus. L’inquiétude se transmue en anxiété, en angoisse, en panique. Après trois semaines de confinement, les effets de ces inquiétudes sont décuplés. Notre santé mentale est à risque.
Même si le gouvernement du Québec a agi vite et bien, nous devons assumer les conséquences de la lenteur et de la mollesse du gouvernement fédéral, en plus de composer avec notre réalité: beaucoup de Québécois ont pris l’avion au début mars, pendant la semaine de relâche; et le Québec est à quelques heures seulement de New York, qui vit une situation absolument catastrophique.
Tous ces facteurs font qu’à ce stade, un slogan comme Ça va bien aller ne convient plus. Personne ne peut affirmer que ça va bien aller. Il peut même s’avérer risqué, pour la santé mentale de tous, d’affirmer une telle chose.
L’expression ça va bien aller (qui habituellement suscite un certain bien-être psychologique, justifié ou non, à condition qu’on y croie) peut s’avérer utile dans certaines situations: avant un examen, avant une compétition, avant d’aller se faire arracher une dent, etc. Pour toute situation où l’on a de solides raisons de croire que ça va bien aller, ce slogan a sans doute sa raison d’être. Pour toute situation où un échec ne risque pas d’avoir des conséquences très graves, ce slogan a sans doute sa raison d’être.
A-t-on de solides raisons, présentement, de croire que ça va bien aller? De croire que les conséquences de cette crise ne seront pas extrêmement graves? Les échos venus d’Europe comme des États-Unis nous montrent l’étendue et les ravages de ce virus. Où que l’on soit, même si on fait le maximum, nul ne peut affirmer que ça va bien aller.
Il était peut-être mal avisé d’opter au départ pour un slogan lénifiant, conjugué au futur, alors que rien ne garantissait des lendemains la hauteur de cette promesse.
Qu’arrivera-t-il de la santé mentale de nos enfants et de nos adolescents si ça ne va pas mieux? Pire: si ça va très mal? Si une personne de leur entourage meurt du virus? Si nos structures s’effondrent, si papa ou maman perd définitivement son emploi?
On peut raisonnablement anticiper deux conséquences majeures: le découragement devant l’adversité et la méfiance à l’égard des adultes.
Ne serait-il pas plus sain, à ce stade, d’opter pour un slogan qui sonne plus vrai? Tous ensemble ; Nous pouvons y arriver (et non Nous y arriverons) ; De tout cœur avec nous ; Tous pour un/Un pour tous! Etc.
L’artiste nonagénaire Armand Vaillancourt propose quant à lui: Prudence, Solidarité, Engagement. Voilà qui est plus sage. Parce que plus réaliste. Nous devons assumer que cette crise commande une attitude de vigilance et d’extrême prudence, et non pas une projection hasardeuse vers un avenir radieux. Ce qui vient vers nous est une immense vague devant laquelle nous devons nous montrer aussi toniques que solidaires. Au moment d’affronter cette vague, réciter un mantra comme Ça va bien aller relève de la pensée magique, alors que nous avons besoin, au contraire, d’être plus enracinés que jamais dans le réalité.
Le Québec et le Canada s’en sortiront-ils mieux que les États-Unis et la majorité des pays d’Europe?
Possiblement. Mais qui gagerait là-dessus aujourd’hui?
Nous sommes en guerre contre un ennemi invisible qui fait des ravages imprévus.
Ensemble dans l’épreuve.
Beau texte, Benoît. J’oserais dire, comme tu le fais toi-même, que le slogan »Ça va bien aller » devient de plus en plus dangereux, nuisible, car il y a un réel danger actuellement de relâchement de la vigilance et bien davantage, s’il se mettait à faire un beau gros soleil printanier. »Prudence, Solidarité, Engagement », dit il!