Faire, ou ne pas faire des enfants (2)

Sauver l’humanité… au prix de sa propre humanité?

Olivia PelkaDevrait-on choisir de ne pas avoir d’enfants pour sauver la planète?

J’avoue avoir moi-même réfléchi à la question avant de me lancer dans l’aventure de la maternité. Mais en 1997, je me suis reproduite. Puis encore une fois en 2003.

Je me souviens très clairement du moment où j’ai tenu, la première fois, mon premier-né dans mes bras. J’ai pensé: « Ça y est, je suis condamnée à m’inquiéter pour cet être, pour le restant de mes jours. » Je ne m’étais jamais sentie plus vulnérable. C’était angoissant, mais immense. Humain.

Depuis, j’ai continué de réfléchir à la question. Je crois maintenant que nous devons redonner à la vie de famille toute l’importance qu’elle a déjà eue (et peut-être faire encore mieux) si nous voulons, comme société, avoir un impact significatif sur les changements climatiques. Ça devrait passer par la famille, et non pas l’exclure.

Plus nous serons nombreux à avoir le cœur satisfait, plus nous aurons les moyens d’œuvrer efficacement à la sauvegarde de l’environnement, car je crois qu’un cœur affamé est le principal moteur de la surconsommation, alors qu’une vie de famille riche est probablement la plus importante des nourritures affectives qui puissent nous prémunir contre les abus.

Pourtant, l’idée se répand maintenant, chez les jeunes adultes en âge de prendre une telle décision, qu’il serait peut-être plus responsable et plus écologique de choisir de ne pas avoir d’enfant. Je ne les blâme pas. En fait, je les comprends : difficile de ne pas avoir peur, de ne pas craindre l’avenir, et c’est plus vrai que jamais ces dernières années. Y’a de quoi faire de l’angoisse. J’y ai pensé, quand j’ai tenu mon poupon la première fois…

Mais je n’aurais pas pu dire non à l’appel de la nature, sans du même coup me frustrer profondément (et peut-être même inconsciemment), ce qui aurait nécessairement eu un prix. Je n’aurais pas pu me résoudre à faire une croix sur ce qui est l’expérience fondamentale de toute vie, qu’elle soit animale ou végétale: se reproduire. Est-ce que ça vaudrait la peine de chercher à sauver l’humanité si, pour cela, il fallait rejeter la part la plus humaine de soi-même? Ma réponse est non: s’il faut se déshumaniser pour sauver l’humanité, faites-le sans moi. 

Même prise sereinement, une telle décision a un coût affectif important.

C’est dans les pays où l’on fait le moins d’enfants que l’on pollue le plus, per capita. Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre l’insatisfaction chronique, au niveau de la vie personnelle, et la surconsommation? Je suis convaincue que ça fait partie de l’équation, et probablement plus qu’on le pense. Je me demande s’il ne vaudrait pas mieux concentrer nos efforts écologistes à nous rebrancher sur notre humanité à travers la vie de famille, plutôt que de creuser nos frustrations affectives en nous en éloignant toujours plus. Certains jeunes adultes vont même jusqu’à sacrifier la famille qu’ils voulaient fonder, au nom de leur combat pour l’environnement:

C’est un cheminement qui m’a pris du temps. Il n’y a encore pas si longtemps, je voulais des enfants. Quatre ou cinq, même. Mais depuis trois ans, je me dis que ce n’est pas raisonnable de donner la vie dans cette société. France Info

Il n’existe pas de relation plus forte et significative, au niveau affectif, que celle que l’on a avec ses propres enfants. Je peux comprendre que certaines personnes ne ressentent pas cet appel, pour toutes sortes de raisons qui leur appartiennent. Mais faire un sacrifice de cette envergure pour sauver la planète me semble carrément contre-productif, et probablement pire pour l’environnement. Car ces carencés affectifs volontaires, pendant combien d’années par la suite vont-ils chercher à combler ce trou dans leur cœur, et cette absence dans leur quotidien? Et les moyens qu’ils utiliseront pour y arriver, seront-ils écologiques?

Compensation

En 2013, au Québec, on dénombrait plus de 2,5 millions de chiens et de chats (Stérilisation animale Québec). J’ai moi-même été une féroce Madame-Minou pendant toute ma vingtaine, jusqu’au jour où je suis devenue mère. Combien de personnes, parmi celles qui sacrifieront l’appel à la parentalité, se tourneront vers un animal de compagnie pour se sentir responsables d’un être qui dépend totalement de leurs soins, et vers lequel elles pourront se tourner pour un peu de tendresse? Oui mais voilà, un animal de compagnie, ce n’est pas sans conséquence écologique. On sait maintenant que la nourriture des 163 millions de chiens et de chats des Américains contribue aux émissions de gaz à effet de serre: 

… l’équivalent de 64 millions de tonnes de gaz carbonique. (…) C’est autant que les émissions de 13,6 millions de voitures. (Le Point.fr)

Et ce n’est malheureusement pas tout: les animaux de compagnie seraient aussi une catastrophe pour la biodiversité (ici). Déprimant, non? Et difficile pour moi de ne pas lire dans cet engouement sans cesse grandissant pour les animaux de compagnie, la manifestation d’un besoin affectif que l’on ne comble plus auprès des humains. 

Mais ceux qui n’adopteront pas d’animal seront-ils pour autant à l’abri de produire un excédent de pollution pour cause de « compensation affective »? J’en doute. Un adulte qui se sera privé de la relation la plus riche qui soit, au nom de l’écologie, sera sujet à mille petites dépenses compensatoires pour trouver sa (nécessaire) nourriture affective et sensorielle : sortir plus souvent pour voir ses amis, et s’accorder des plaisirs par le magasinage, le confort et les luxes, et bien sûr, par le très polluant tourisme (pollution dont on ne parle vraiment pas suffisamment). 

Pour ma part, je constate qu’ayant une vie de couple riche, un quotidien nourrissant, et l’immense satisfaction d’avoir totalement vécu mes deux maternités, consentir au sacrifice de certains plaisirs de consommation est relativement aisé. Mais que sera la vie sur Terre dans vingt ou vingt-cinq ans, si on multiplie le nombre des carencés affectifs? 

L’expérience de la parentalité n’a pas besoin d’être reproduite quatre, cinq, ou huit fois, pour être riche et nourrissante au niveau affectif. J’ai eu deux enfants, et ça a suffi à l’animal, à l’humaine, à la femme que je suis. Vous me direz que j’aurais pu faire du bénévolat, au lieu d’avoir des enfants. J’en fais depuis des années, et ça me fait beaucoup de bien. Mais rien ne se compare à la satisfaction que j’ai eue à travers la responsabilité entière de mes enfants, desquels j’ai guidé les pas depuis le jour de leur naissance, et que je regarde maintenant devenir des adultes. Rien ne se compare à ça.

Espoir

Ma suggestion? Faites des enfants. Ne sacrifiez pas cette part essentielle de votre humanité, pour sauver l’humanité. Mais… faites-en moins, peut-être? et de grâce, faites-les mieux : donnez-leur le meilleur de vous-même, et faites tout pour sauvegarder votre vie de famille et votre couple, et pour leur accorder du temps, en quantité, afin que vos enfants grandissent avec un minimum de carences affectives et d’angoisses existentielles.

Car la surconsommation, pour moi, ce n’est rien d’autre qu’une tentative de calmer un affect frustré. Mais plus nos enfants seront solides, moins ils seront à risque de devenir de grands consommateurs.

Il est là, l’espoir.

6 commentaires sur “Faire, ou ne pas faire des enfants (2)”

  1. Merci
    Ça fait longtemps que j’y pense et me dit que les femmes du monde doivent se parler et s’entendre sur une démographie équilibrée.
    Peut-être qu’à un ou deux enfants par femme pour une ou deux générations ramènerait cet équilibre. Je ne sais pas.
    Votre texte et votre humanité donne espoir et me confirme dans mon questionnement.
    Bonne famille !

  2. Bonjour,

    Il me semble que vous utilisez un cas anecdotique pour justifier à grande échelle votre désir et votre bonheur d’avoir des enfants.
    Pensez-vous vraiment que tous les couples qui n’ont pas d’enfants n’en ont pas pour donner un coup de pouce à l’environnement?
    À mon avis, il s’agit d’une extrapolation théorique. La santé , la maladie, la fécondité, la carrière, etc. sont des raisons beaucoup plus courantes pour ne pas avoir d’enfant.
    En outre, pensez-vous aussi que toutes les personnes qui n’ont pas d’enfants se procurent des animaux de compagnie?
    Je ne pense pas que c’est le cas. D’ailleurs, dans le site où mène le lien que vous fournissez (Stérilisation animale Québec), il est dit, que dans l’ensemble du Québec « Au total, 40 % des familles avec au moins un enfant, possèdent au moins un chat, contre 29 % pour celles qui n’ont pas d’enfant. » Donc, les familles avec enfant ont plus de chats que celles sans enfant.
    Il n’est pas nécessaire de justifier son besoin d’avoir des enfants, c’est naturel.

    Cela dit, j’estime qu’il y a effectivement trop de monde sur la planète et qu’on (les humains de la Terre) fait trop de descendants.
    Le pire c’est que la population mondiale ne cesse de croître.
    Un moment donné, il n’y aura plus de place pour nous, pour la faune et pour la flore tous ensemble, et il n’y aura plus de ressources.
    Ça risque de ne pas être joli.

    Sans rancune.

  3. Résumé de cet article: Les gens qui ont des enfants sont plus humains que ceux qui n’en ont pas.

  4. J’aurais aimé qu’on parle de l’adoption. Une très belle et nécessaire alternative à la mise au monde.

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