​​​​Pas ma tasse de thé

Vous souvenez-vous de cette vidéo qui a inondé le web l’an dernier? On y montrait deux bonhommes allumettes illustrant la notion de consentement sexuel à travers diverses situations impliquant une tasse de thé.

La vidéo est revenue dans l’actualité ces dernières semaines puisque certains cégeps la présentent dans le cadre d’une vaste campagne de sensibilisation intitulée Ni viande ni objet.

Revoyons cette leçon de morale à cinq cennes, lue dans sa traduction française par Bernard Derome.

« Si vous vous demandez ce qu’est le consentement, imaginez qu’au lieu d’initier un acte sexuel, vous prépariez du thé. »

L’intention est bonne, comme toujours. Mais pour que le message passe il faudrait qu’on cesse de prendre les jeunes pour des tarés.

On s’adresse à des cégépiens. Pas des secondaires 1.

Le champ lexical du consentement

« Vous diriez : Aimerais-tu une tasse de thé? Elle répondrait : Mon Dieu, j’adorerais une tasse de thé! Merci! Alors vous sauriez qu’elle veut du thé. »

Leçon #1 : pour que le feu vert s’allume, il est nécessaire de verbaliser son consentement à coups dexclamations jubilatoires. « Oh mon Dieu », « j’adorerais! », « merci! » : voici le champ lexical du consentement sexuelmessieurs dames, le suprême degré du commun accord – le seul qui autorise le moindre mouvement vers le lit (ou vers la table de cuisine, tant qu’à pousser le parallèle).

Chérie, hurlerais-tu un peu plus fort « oui je le veux », s’il te plaît?

C’est pour être sûr sûr sûr que tu es sûre sûre sûre.

Qui prend-on pour des imbéciles?

Les scènes suivantes nous enseignent que le consentement à boire du thé doit être renouvelé à tout moment car il peut être retiré à tout moment – jusqu’à la dernière goutte? – selon l’humeur de la personne à qui on offre du thé, c’est-à-dire la femme, bien que les bonhommes allumettes soient apparemment asexués.

« Elle pourrait dire oh oui, j’en veux bien, c’est gentil de ta part… et puis, une fois le thé prêt, elle n’en voudrait plus. C’est sûr que c’est peut-être fâchant d’avoir fourni autant d’efforts pour faire un thé, mais cela ne l’oblige pas à boire ce thé. Elle en voulait ; mais n’en veut plus. Les gens peuvent changer d’idée le temps de faire bouillir l’eau, infuser le thé et ajouter le lait» nous dit le lecteur d’une voix pontifiante.

Une question surgit du fond des âges : mais qui prend-on pour des imbéciles ici? L’homme cromagnonesque incapable de comprendre une évidence? Ou la princesse qui joue à la pyromane-pompière? Ou encore les jeunes – en particulier les garçons – qui vont se dire, une fois de plus, que les adultes les prennent résolument pour des abrutis?

Geste sexuel vs geste spirituel

Boire du thé, faut-il le rappeler, n’a rien à voir avec le sexe. C’est même carrément le contraireOn boit du thé dans une atmosphère détendue entre personnes qui interagissent sans autre intention que de discuter calmement. Boire du thé est un geste spirituel en quelque sorte, comme faire du yoga, saluer le soleil, brûler de l’encens ou écouter de la musique planante. Ça n’implique aucune tension des corps, aucun regard invitant, aucune allusion voilée, aucun sous-entendu, aucune gradation vers autrechose, aucun rapprochement physique, aucun désir charnel, aucune confrontation à ses propres principes, à sa morale, à sa religion, à son éducation, à ses ambitions, à ses désirs, à ses blessures d’enfanceAucune sécrétion hormonale n’est produite lors de la consommation du thé.

Et la complicité ne lie que les âmes et les idées.

La morale 2.0

Cette vidéo part vraisemblablement du principe selon lequel le sexe est partout et dans tout, même dans son contraire. Suivant ce principe, nimporte quelle interaction entre humains peut servir d’illustration à la vie sexuelle, en autant qu’on fasse sourire, tout en tartinant une belle morale 2.0. C’est-à-dire : l’homme est un connard d’agresseur qui ne pense qu’à sa quéquette sans le moindre égard pour la femme, éternelle victime, qui devrait être protégée par la société afin de pouvoir se permettre de jouer avec les hormones du connard tout en étant ambivalente à souhait.

« Si quelqu’un voulait du thé chez vous samedi dernier, ça ne veut pas dire qu’en tout temps elle veut veut que vous fassiez du thé, que vous arriviez chez elle sans préavis pour lui préparer du thé et lui faire boire de force, en disant : Mais tu voulais du thé la semaine dernière! Ou se réveiller pour vous trouver en train de lui verser du thé dans la gorge en disant : Mais tu voulais la nuit dernière! »

Très bien. Imaginons maintenant les véritables prédateurs-agresseurs. Ceux qui, après avoir scoré une fois ou deux, se croient possesseurs du filet adverse et s’imaginent pouvoir rebondir à tout moment sur la patinoire afin decompléter leur tour du chapeau. (Admirez la parabole hockeyesque, en cette période de séries éliminatoires.) Ilrisquent de s’étouffer de rire en voyant cette vidéo absurde. Et je n’ose pas traduire en mots les images qui vont probablement défiler dans leur cerveau.

Quant à leurs proies potentielles, elles vont sûrement penser : ouf, merci… à partir de maintenant je suis en sécurité! Tout le monde va comprendre que c’est pas bien du tout d’agresser sexuellement!

Bienvenue dans le monde enchanté des allumettes.

Care for another cup of tea ?

L’allégorie de la tasse de thé rate magistralement sa cible, car lvéritable agresseur, dans sa psyché tordue, carbure précisément à l’absence de consentement. Pire : cette candide tasse de thé peut lui servir de détonateur en ranimant le mépris qu’il a pour la société, pour les femmesainsi que sa haine viscérale des lois élémentaires du respect d’autrui.

Le véritable agresseur n’a rien à glander de notre leçon de thé.

Plus on essayera de la lui faire avaler, plus il nous méprisera.

Quant aux autres mâles, les 99% de non-agresseurs qui cherchent à vivre le plus sainement possible leur sexualité naissante, l’allégorie de la tasse de thé sera probablement perçue comme infantilisante, culpabilisante, surtout la fin où madame allumettes tombe sans connaissance pendant l’acte : « Si elle est inconsciente, ne lui faites pas boire de thé. Les personnes inconscientes ne veulent pas de thé, ne peuvent répondre à la question : veux-tu du thé? Parce qu’elle est inconsciente! […] »

Et on nous montre un abruti versant du thé dans la bouche d’une personne inconsciente.

« Qu’il s’agisse de thé ou de sexe, consentir est essentiel. »

Ni viande ni objet.

Ni intelligence, ni responsabilité.

5 commentaires sur “​​​​Pas ma tasse de thé”

  1. Bien vu bien dit. En particulier, excellente contre-démonstration de la question du consentement variable et constamment renouvelé. Si quelqu’un demande du thé, puis le refuse quand il est prêt, puis en veut à nouveau, puis plus, je ne suis pas sûr que je l’inviterai à nouveau. La cohérence est un facteur liant dans les relations, on est en droit de l’attendre et non un comportement qui, présenté comme une liberté de choix à chaque seconde, frise la pathologie.

    1. « La cohérence est un facteur liant dans les relations » : tout à fait.
      Voilà ce qu’il faut enseigner à nos jeunes hommes et à nos jeunes femmes.
      Sinon, on les déresponsabilise. Ce qui est précisément le contraire de l’objectif visé ici.

  2. ce concept du consentement est presque entièrement de la foutaise de nos jours. « the game is rigged », arrangé avec le gars des vues. tout le monde sait que devant un juge dans une salle d’audience, celui avec le penis va perdre. le système est comme ca. les femmes restent des eternelles victimes, presque complètement déresponsabilisées de leurs actions et les hommes doivent rester extrèmement vigilants envers leurs actions. il ya une video satirique qui demontre la présentation d’un contrat plusieurs fois pendant la relation intime, du début a la fin. messieur doit constammement faire signer madame a chaque étape avec des avocats présents. dans la moyenne des scenarios, on est rendu la.
    MGTOW

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